Le Château ambulant m’a fait réfléchir aux normes de genre
Comment le Château ambulant, d’Hayao Miyazaki, m’a permis de déconstruire une partie des normes de genre et de comprendre que de sortir de celles-ci, non seulement ce n’est pas grave, mais en plus c’est génial.
J’ai toujours été perplexe par rapport au genre. Et a fortiori le mien. Quand j’étais gosse, je détestais ce qui était féminin : j’étais le cliché du garçon manqué hautain et misogyne. D’ailleurs, ces quelques mots transpireront de clichés misogynes et essentialistes. Je me suis construit avec ces derniers, malgré ces derniers, désolé ! J’ai passé mon adolescence habillé « comme un garçon », à jouer de ça et à adorer que les inconnu·es me genrent au masculin. Et quand j’ai eu la vingtaine, j’ai découvert que j’étais trans. Incroyable.
Mais entre-temps, je m’étais politisé, j’avais découvert le féminisme… le maquillage et les robes ne m’attiraient toujours pas d’un point de vue personnel. Mais j’avais dépassé ma répulsion pour ce genre de choses depuis longtemps. Donc j’avais une certaine méfiance envers les mecs, et envers le masculin en général. Et maintenant j’en étais un ? (Ou presque, mais le concept de non-binarité ne m’était pas connu à l’époque.)
Revoir les normes de genre grâce au film Le château ambulant de Hayao Miyazaki
L’œuvre qui, avec du recul, m’a permis de construire un rapport aux normes de genre plus sain, c’est Le Château ambulant, d’Hayao Miyazaki. Sophie, jeune chapelière, attire l’attention d’Hauru, un mage indépendant et impertinent. La Sorcière des landes, jalouse, transforme Sophie en vieille femme. Celle-ci décide de quitter la ville pour chercher une solution à la malédiction. Elle se réfugie fortuitement chez Hauru, où elle décide de rester comme aide-ménagère… Elle apprend à connaître le magicien et finit par découvrir l’un de ses secrets : Hauru prend l’apparence d’une monstrueuse créature ailée pour participer au conflit entre les deux royaumes, sans soutenir de camp en particulier. Le film aborde d’autres thématiques et a d’autres personnages centraux, mais ce ne sont pas ceux sont ces thèmes-ci qui ont plus forgé ma réflexion.
Bon, c’est pas le film le plus révolutionnaire non plus. Pendant que l’héroïne, Sophie, fait la popote dans le château, Hauru se met en danger sur le champ de bataille. Un bonhomme, quoi. Mais pas tellement. Hauru est délicat, sensible, il a de longs cheveux, et son apparence compte pour lui. A l’inverse, Sophie perd sa jeunesse (l’apanage de la féminité aux yeux de la société), et ça ne l’empêche en rien d’être bad-ass et de s’affirmer.
L’idée d’identité traverse le film : Sophie et son apparence, Hauru et sa « monstruosité »… Elle m’a aussi permis, je pense, d’avoir un premier aperçu de ce que c’est d’être en dehors des normes sociales. On n’a pas besoin de se conformer à ce que les gens s’attendent de nous pour être des gens bien. Pour être des gens heureux, surtout.
Aujourd’hui, en y repensant, j’y ajouterais en plus la notion de famille choisie. Entre exclu·es, entre déviant·es, on a le devoir d’être là les uns pour les autres – dans la mesure de nos capacités – et d’envoyer balader le monde cis et hétéro qui voudrait qu’on se noie dans la masse, qu’on soit discret·es. C’est faux. On est beau, belles, flamboyant·es et on mérite le monde.
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis toujours perplexe par rapport au genre (y compris le mien), mais je m’autorise à tout envoyer dans les roses. Je suis une personne transmasculine, je fais de la couture et du tricot, je porte la barbe, je me maquille, je porte des talons, je fais de la muscu, de la moto, j’ai de longs cheveux roses. Okay, dans mon cercle de personnes non-binaires, je ne suis pas une exception. Pour l’enfant que j’étais – et pour une bonne partie de la société je crois – je suis une anomalie, une curiosité. Mais en fait, c’est cool. Et si ça rend d’autres gens perplexes sur le genre, tant mieux !